Je ris de me voir dans cette situation. Par angoisse sûrement. L’idée d’habiter l’île me semble encore trop fictionnelle.
Mais l’air sur ce bateau est pourri, morbide, je ne suis pas sorti de ma cabine depuis deux jours. J’ai noué quelques amitiés, ou plutôt des relations de survie : je sais qu’aucune solidarité ne tiendra si un problème survient. Les familles restent soudées, méfiantes à l’égard d’un jeune homme seul comme moi.
J’ai observé l’île au travers de mon hublot.
Je ne pensais pas encore à la craindre, les romans et mon imaginaire avaient forgé son image, je me croyais être une âme aventurière.
Il est si apaisant de voir, tout à plat devant soi, au loin : oui, il me fallait débarquer, l’explorer.
En sortant je regardais avidement l’aspect du ciel, pour me sentir appartenir au monde, reposer mes yeux de la lumière artificielle, des espaces exigus.
Les canots sont jetés à l’eau, sur cette mer mon insouciance a disparu soudainement.
Où est passée l’étendue lisse, infinie et pure des cartes et des panoramas ? Elle n’est qu’une masse informe et illisible, grise, verte, piquante, meurtrière.
Enfin je sens ma chair, je sens leur chair, définitivement débarrassée de toute abstraction idéaliste, toucher le sol de l’île.
Par habitude je regarde l’heure sur ma montre. 16h20. Nous avons le temps.
Astride Boisgibault
— Atelier Extra! 2020
Après lecture de l’intégralité des textes proposés, je suis agréablement surpris par celui-ci notamment par son appartenance indéniable au courant néo-platonicien ! Bravo !
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